Manifestation (il)légale
Le droit de ne pas être d’accord avec les personnes au pouvoir est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Plus précisément, la liberté de dissidence peut se concrétiser à travers la liberté d’expression, la liberté d’association et la liberté de réunion pacifique. Celles-ci sont protégées par la charte et permettent les rassemblements citoyens et les manifestations.
Malgré l’impression qu’on a pu avoir lors du printemps 2012, le droit de manifester ne peut pas être limité par le gouvernement comme bon lui semble, car il s’agit d’une liberté fondamentale. Comme de fait, plusieurs lois ou règlements adoptés en 2012 ont été invalidés récemment :
- L’article 500.1 du code de la sécurité routière stipulait que les manifestations doivent être autorisées par la police pour être légales. Fait étonnant, cet article n’a pas été adopté en 2012, mais plutôt en 2000, pour faire cesser un blocus de camionneurs manifestant contre leurs mauvaises conditions de travail. Il a été redécouvert en 2012, lorsque les corps policiers l’ont utilisé pour procéder à des arrestations de masse lors des manifestations étudiantes, preuve que les lois sont appliquées en fonction du climat social et politique.
En mai 2016, cet article a été définitivement invalidé à la suite d’un jugement de la Cour supérieure de Montréal, qui a statué qu’il porte atteinte à la liberté d’expression et que l’obligation d’obtenir une autorisation confère un pouvoir abusif aux forces de l’ordre.
- La loi 12, mieux connue sous le nom de loi spéciale 78, a été adoptée en 2012 pour faire cesser la grève et les manifestations étudiantes. Elle stipule qu’une personne qui organise une manifestation de 50 personnes ou plus doit fournir l’itinéraire de la manifestation au corps de police approprié, huit heures avant le début du rassemblement. Le corps de police peut ensuite exiger un changement à cet itinéraire afin de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique.
Bien que des manifestations aient été déclarées illégales en vertu de cette loi, aucune personne ou organisation n’a été accusée devant les tribunaux. De plus, à la suite des élections de septembre 2012, la nouvelle première ministre, Pauline Marois, a abrogé les articles de la loi 12 qui encadraient le droit de manifester.
- Le règlement P-6 de la Ville de Montréal a été modifié en 2012 pour y ajouter l’obligation de faire parvenir l’itinéraire d’une manifestation au Service de police avant la tenue de celle-ci et l’interdiction d’avoir le visage masqué lorsqu’on se trouve sur la voie publique.
En février 2015, après des années de procédures, un juge a acquitté trois manifestant.e.s qui faisaient face à une amende de près de 500$ en vertu de ce règlement, concluant que seules les personnes organisant les manifestations peuvent être tenues responsables de la divulgation de l’itinéraire, et non celles qui participent simplement au rassemblement. Par la suite, la Ville de Montréal a abandonné toutes les procédures en cours contre des manifestant.e.s en vertu du règlement P-6. Puis, en juin 2016, l’article interdisant le port de masque a été déclaré nul et l’article qui oblige la divulgation de l’itinéraire a été déclaré inopérant, c’est-à-dire qu’il peut encore s’appliquer, mais pas aux manifestations spontanées, à savoir celles qui s’organisent au moment-même où elles se tiennent, car elles ont un caractère d’urgence ou relèvent de la coïncidence. Le jugement a été porté en appel par Anarchopanda, qui vise l’invalidation complète du règlement P-6.
- Dans plusieurs villes, il existe un règlement municipal semblable au règlement P-6 de la Ville de Montréal, qui exige l’obtention d’un itinéraire pour autoriser une manifestation. À Sherbrooke, le règlement municipal défend à toute personne de participer à une manifestation si celle-ci n’a pas obtenu une autorisation du Service de police pour l’occupation d’un chemin public. Des contestations judiciaires sont en cours par des personnes ayant reçu des contraventions en vertu de ce règlement.
Trucs et astuces pour une manif sans soucis :
- S’inscrire sur les listes de présence de l’AÉCS, ou de l’organisme qui organise le transport, et indiquer si l’on compte rentrer ou non en autobus après la manif
- Connaître l’itinéraire de la manif ainsi que le point et l’heure de rendez-vous pour rentrer en autobus
- Connaître le numéro de téléphone du responsable de groupe et lui donner son numéro si on en a un
- Connaître le numéro de téléphone d’un avocat
- Demeurer en groupe et prévenir si on s’éloigne, par exemple pour aller aux toilettes
- Prévoir de la nourriture, de l’eau et des vêtements adaptés