L’Association étudiante du Cégep de Sherbrooke (AÉCS) s’est donnée comme mission de favoriser la réussite de toustes les étudiant.es actuel.les et futur.es du  Cégep de Sherbrooke notamment, en se mobilisant pour l’accessibilité aux études. L’accessibilité n’est pas qu’une question de frais de scolarité. L’endroit où les étudiant.es demeurent a tout autant son rôle à jouer lorsqu’il est question d’accessibilité.

Consciente de cette importance, de l’ampleur qu’a prise la crise du logement ces dernières années et devant le manque flagrant de volonté d’agir de la part du gouvernement québécois, il était naturel pour l’AÉCS de sonder ses membres, soit l’entièreté de la communauté étudiante du Cégep de Sherbrooke à cet effet.

L’analyse des données recueillies est sans équivoque, les étudiant.es du Cégep de Sherbrooke subissent elleux aussi les impacts d’un Québec en crise. 

Le temps restreint alloué à cette recherche oblige, en plus des données obtenues par ce sondage, il aura fallu faire l’analyse de contenu issue de littérature déjà existante. Cet article fait état des faits ressortis des données obtenues par ces deux méthodes cumulées.

Tout d’abord, il faut savoir que :

  • Plus d’un.e membres sondé.es sur trois demeurent actuellement en logement (35.1%) ;
  • Plus d’un.e membres sondé.es sur 5 ont subis ou subissent la crise du logement (23.8%) ;

Le fait que la majorité des étudiant.es du Cégep ne soit présentement pas en logement minimise de beaucoup l’urgence d’agir aux yeux de celleux qui auraient le pouvoir de le faire. La crise du logement touche également des étudiant.es qui se voient pris.es dans un milieu hostile, ce milieu pouvant même être chez leurs parents ou encore certain.es vivre loin de l’établissement faute de logements abordables plus près.

Il est difficile de dresser un portrait uniforme des étudiant.es du postsecondaire, d’autant plus au collégial où il peut y avoir dans un même groupe une personne de 16 ans et une autre de 44 ans (l’âge de nos répondant.es variant entre 16 et 44 ans). Regardons maintenant d’autres données démographiques de nos répondant.es. 

  • Certain.es viennent de Sherbrooke (43.3%), alors que d’autres viennent d’ailleurs au Canada ou même d’un autre pays (6.2%). Ces dernier.ères sont d’autant plus vulnérables qu’iels sont ici, plus souvent qu’autrement isolé.es, sans même connaître l’endroit.
  • La principale source de revenu de certain.es est leur parent où toute autre personne subvenant à leurs besoins (23. 6%) alors que pour 58.4% d’elleux la principale source de revenu est le travail. 

Inévitablement, une population aussi hétérogène ne sera pas affectée de la même façon par cette crise. N’empêche que peu importe la nature des répercussions subites, elles ne sont pas sans conséquence. 

Les Cégeps sont en proie à d’importants changements socio-démographiques depuis quelques années. De ce fait, il est essentiel de pousser notre réflexion plus loin et de consulter de la littérature déjà existante pour se faire une idée de l’importance de la crise chez cette population.

Si nos instances gouvernementales ne considèrent pas les diverses réalités vécues par les étudiant.es de niveau collégial et les enjeux qui en découlent, rien ne permet d’entrevoir une quelconque amélioration, bien au contraire…

Pour constater que la situation économique des étudiant.es du Cégep de Sherbrooke est déjà affectée par tous les bouleversements sociaux des dernières années,  nul besoin de regarder bien loin. Un sondage mené par l’AÉCS il y a tout juste un an, soit à la session d’hiver 2021, portant sur la précarité financière rapportait que le revenu de 24% des étudiant.es étaient insuffisant pour qu’iels parviennent à subvenir à leurs besoins essentiels. À peine un an plus tard, ce sont 28% des répondant.es qui se retrouvent dans cette situation. Ça peut sembler anodin, 4%. Mais, si on demande aux plus ou moins 220 personnes concernées, la réalité n’est peut-être pas aussi anodine. Il ne faut pas négliger que, les changements démographiques de cette population permettent d’émettre l’hypothèse que cette détérioration des conditions socioéconomiques des étudiant.es n’est qu’un début.

 Des études ont démontré que les étudiant.es qui commencent le Cégep à 20 ans ou plus sont davantage contraint.es de déménager pour étudier ;  qu’iels vivent une plus grande précarité financière dû à leur charge de responsabilité, notamment des responsabilités familiales, iels étant nombreux.ses à avoir des enfants à leur charge ; leur charge de travail s’en retrouve amplifiée. Aussi, on note qu’iels occupent plus souvent un emploi que leurs homologues plus jeunes.

Généralement, iels arrivent aux études avec plus de difficultés que le reste des étudiant.es (Fédération des Cégeps du Québec, 2018). Lorsque nous rajoutons le fait qu’iels sont de plus en plus nombreuses et nombreux, mais que les logements disponibles, eux, le sont de moins en moins (Lapointe-Therrien & Richard, 2018), il m’apparait comme une évidence qu’on fonce droit dans un mur.    

L’importance d’agir, surtout dans un contexte de crise d’une telle gravité, vient aussi de la vulnérabilité des étudiant.es face à l’abus. « Il y a un gros incitatif pour les propriétaires de mettre des gens dehors et d’augmenter les loyers [et] la population étudiante est particulièrement touchée par ça » M. Lévesque, coordonnateur de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE).

Selon lui, ceci serait dû, notamment, au fait que plusieurs étudiant.es vont dans des Cégeps à l’extérieur de leur ville et ne sont que de passage. Mais, c’est davantage leur méconnaissance des droits des locataires qui les met dans une telle position. Le graphique ci-dessous présentés démontrent que les répondant.es ne font pas exception.

Les données qualitatives obtenues nous incombent de prendre en considération que cette crise n’est pas la seule à hypothéquer le bien-être des Québecois.es ces dernières années. Il ne faut pas négliger la crise climatique ou encore la crise sanitaire dans notre analyse de la manière dont nos membres subissent la crise du logement. aire?

Nous constate assez facilement que le poids de ces crises pèsent lourd sur les épaules de la population. Depuis le printemps 2020, soit depuis le début de la pandémie, on constate l’ampleur de l’impact qu’ont les crises sociales sur la réussite et le bien-être de la population étudiante. On peut s’expliquer cela par le mépris des étudiant.es dont font preuve nos dirigeants. Mépris qui teinte leur gestion des crises. La non-considération d’elleux accentue la précarité dans laquelle iels vivent. Notre gouvernement prétend vouloir faire du Québec, une province prospère. Mais quelle ironie ! La coalition AVENIR Québec qui oublie que les étudiant.es sont  l’avenir en devenir ! Plusieurs semblent l’oublier, mais le Québec de demain, c’est la jeunesse d’aujourd’hui. En leur assurant l’opportunité de s’épanouir et de réussir, on assure déjà une de voir notre «belle province» prospérer.

Contrairement aux deux autres crises, le gouvernement du Québec ne peut justifier son inaction par le fait que, peu importe ce qu’il ferait, tant que «la Chine, les États-Unis, le Brésil et l’Inde n’en font pas plus» tous nos efforts seraient en vain. Cette impossibilité à se déresponsabiliser complètement donne plus de portée à nos voix.

Ne serait-il pas plus logique pour un gouvernement censé agir pour l’avenir du Québec d’investir dans la scolarité. Lui qui ne parait qu’avoir en tête le désir de s’enrichir. Une nation scolarisée n’est-elle pas une nation riche ?    

De plus, c’est peut-être l’investissement dans l’éducation qui pourrait permettre de contrer les deux autres crises! Après tout, je le répète, ce sont elleux l’avenir du Québec. Par contre, ce sont également elleux qui subiront les répercussions des différentes crises à long terme. Certain.es répondant.es l’ont nommé textuellement: iels se sentent «abandonné.es par le gouvernement».. L’extrait qui suit est l’avis de Brenda Austin-Smith, présidente de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université quant à l’importance des éudiant.es pour l’avenir : « Les collèges et les universités sont des lieux où le savoir, l’innovation et le talent se cultivent et se développent. C’est également là que les chercheurs trouvent des solutions innovantes à des problèmes comme la COVID et le changement climatique. Or, des décennies de sous-financement ont mené à une augmentation du travail précaire au sein des établissements, notamment chez les membres du personnel académique. Les conditions de travail de nos membres sont les conditions d’apprentissage des étudiant.es[…].» 

C’est pourquoi nous militons en faveur d’un système d’éducation sain qui pourra jouer son rôle central dans la reprise de l’économie après la pandémie.

 L’étude réalisée auprès de la communauté étudiante du Cégep de Sherbrooke porte à croire en ce sens. Investir dans le logement étudiant revient à investir dans l’avenir puisque, de toute évidence, cette crise nuit aux études de plusieurs personnes concernées. 

Sachez que ce n’est rien de moins qu’un.e étudiant.e sur dix qui considère que l’endroit où iel demeure nuit à ses études, et ce, qu’iels soient en logement ou non.  

C’est près du tiers de nos répondant.es qui doivent débourser 30% ou plus de leur revenu (31.7%) pour se loger. Lorsqu’en plus on prend en considération que devoir payer un loyer ne s’applique pas pour 54% des répondant.es, on voit que c’est plus du deux tiers de celleux qui ont un loyer à payer qui lui accorde 30% ou plus de leur revenu (69%). elleux qui paient un loyer, 32.7 % disent que le coût de leur logement a une incidence sur le nombre d’heures qu’iels travaillent. 

On nous le répète sans cesse : Si le prix du loyer occupe 30% ou plus du revenu d’un ménage, ce ménage sera plus enclin à éprouver des difficultés à répondre à tous ses autres besoins. La compression des dépenses touche typiquement le budget alloué à la nourriture.

Voir : Sécurité alimentaire

Donc, comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-dessus et comme mentionné plus haut, près du tiers (32.7%) des répondant.es sont forcé.es de travailler plus d’heures par semaine à cause du coût du loyer qu’iels doivent assumer.

Vous trouverez ci-dessous, des graphiques reliés à la question du revenu des répondant.es. Bien que plusieurs soient jeunes et en pleine transition vers l’âge adulte, 71.2% occupent un travail à temps plein ou à temps partiel durant leurs études. Pour 58.4% de notre échantillonnage, le travail est la source de revenu principale.

La conciliation travail-étude semble être présente chez une majorité d’étudiant.es, pourtant 48.8% d’entre elleux ont mentionné que de travailler en même d’être aux études nuit à celles-ci.De ces près de 50%, 9.4% trouvent que cela nuit beaucoup. Ces chiffres peuvent paraître banals pour certain.es, mais regardons-les de plus prêt : 

  • Plus du deux tiers de la communauté étudiante du Cégep de Sherbrooke occupent un emploi en même temps qu’iels sont aux études (71.2%), dont plus de la moitié, soit le tiers des répondant (37.2%) affirment travailler plus en raison du coût de leur loyer. 
  • Pour plus d’un.e sur deux, il s’agit de la principale source de revenu. 
  • De l’autre côté de la balance, il y a près d’un.e de ces étudiant.es sur deux qui trouvent que la conciliation travail-étude nuit à ses études et une personne sur dix pour qui elle nuit beaucoup. 

Mais, comment est-ce qu’elle nuit aux études ?
Ce qui ressort le plus : 

  • L’obligation de prioriser le travail au détriment des études ;
  • L’épuisement.

Voici quelques-unes des répercussions nommées pour l’obligation de prioriser le travail au détriment de leurs études :

  •  Échecs provoquant le rallongement des études ; 
  • Choix d’étaler leurs études sur le long terme ; 
  • Report de leur entrer à l’université ;
  • Plusieurs parlent de fatigue, d’épuisement, de manque de temps, de dépression. 

Ce qui nous mène au deuxième point : l’épuisement étudiant.

Selon le psychologue Marcel Bernier dans un article publié par l’Université Laval, l’agenda remplie des étudiant.es, leur horaire changeant, la nécessité pour plusieurs de travailler le soir et les fins de semaine rendent leur équilibre précaire. Le temps disponible pour l’étude avant une période d’examen est souvent insuffisant et les heures accordées au sommeil sont réduites et la fatigue amène les étudiant.es à avoir de mauvaises habitudes alimentaires. « Ne pas se rendre compte de la dégradation de son état et s’acharner pour continuer à répondre à toutes les demandes fait partie de la maladie de l’épuisement.» L’étudian.te s’en retrouve pris.e dans un cercle vicieux à vouloir toujours satisfaire les attentes que l’on a d’iel.

Dans ce cas,  comment expliquer l’inaction du gouvernement ?  Les sociétés capitalistes s’inscrivent dans ce que Nicole Aubert, appelle «le culte de l’urgence». Nous agissons impulsivement puisque nous sommes conditionné.es à ne pas avoir le temps de nous arrêter pour prendre le temps. Le temps de réfléchir avant d’agir, le temps de réfléchir avant de décider.  

Les gains de l’éducation dans une société ne sont percevables que sur le long terme. Habitué.es de vivre dans l’immédiateté et d’agir dans l’instantanéité, nous y avons pris goût à ce mode de vie hédoniste. Nous voulons voir des résultats ici et maintenant. On n’a pas ça l’temps d’attendre. Tsé, le temps, ben, c’est d’l’argent !

  À la lumière de ces données, il semble évident que la question du logement n’échappe pas au mépris des gouvernements en place auquel se heurtent les étudiant.es de niveau collégial depuis des décennies, et ce :

  • Même si les changements socio-démographiques percevables depuis plusieurs années nous permettent de croire que les besoins en logement de cette population augmenteront dans les années à venir ; 
  • Même si le Québec est en proie à une importante pénurie de main d’œuvre qualifiée dans plusieurs domaines et ;
  • Même si l’avenir du Québec, c’est elleux !

L’analyse des données recueillies nous aura aussi permis de comprendre que cette crise s’inscrit dans un contexte social extrême pour la communauté étudiante qui, déjà, vit dans la précarité. 

Avec ce projet de recherche, nous avons pu mettre de l’avant l’urgence d’agir. Nous dénonçons l’inaction du gouvernement face à cet enjeu, et ce, alors que l’avenir même du Québec est en jeu.  Nous clamons notre indignation devant un gouvernement qui nous promet un avenir prospère, mais dont le mépris des étudiant.es laisse transcender un refus d’investir en ce même avenir.      

 Mais, par-dessus tout, cette enquête nous a amené à prendre conscience qu’un Québec en crises compromet l’accessibilité aux études et que, si l’accessibilité aux études est compromise, il en va de même pour l’avenir de la nation.   

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Médiagraphie

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